Le Monde
"De la littérature jeunesse où elle a fait ses débuts, Catherine Ternaux a sans doute gardé le souci de la simplicité et aussi le goût pour la fantaisie, l'enchantement et la drôlerie un brin espiègle. Comme le figure le titre de son deuxième recueil de nouvelles, quelque peu trompeur. Car, s'il est bien question de pesanteur, dans l'histoire éponyme qui met en scène, au premier jour du printemps, un fermier sujet à d'étranges phénomènes, chacun de ses dix-huit textes courts semble échapper à toutes les lois de la gravité.
Qu'il s'agisse de séparations ("Bord de mer", "D'un commun accord"), de solitude ("La Procédure") ou de mort ("Adieu les lapins"), cette Charentaise d'adoption (elle est née à Reims en 1961 et vit à Angoulême) se joue de tout : d'un détail, d'une image, d'une sensation, d'une senteur pour mieux renverser les perspectives, bousculer la logique et briser les apparences.
Ainsi, après "Infinitif passé", l'une des plus délicieuses et émouvantes nouvelles, c'est d'un tout autre œil que le lecteur se mettra à consulter son manuel de grammaire. Dans l'espoir d'y découvrir peut-être le roman autobiographique caché d'un grammairien malicieux. De même, l'expression "avoir la tête dans les nuages" prendra-t-elle les traits et les couleurs du rêveur Monsieur Bertillot, peintre de son état. Ou le parfum d'un gardénia évoquera-t-il "Un aspect de Laure" (petit bijou de poésie) ; la vue d'un banc de méduses échouées "En bord de mer", celle d'un couple en mal de rupture, ou d'une "Partie de pêche" entre enfants, aussi "ratée" qu'exaltante. Ou encore un clair de lune, les silhouettes de nonnes ensommeillées en proie à de mystérieuses apparitions ("Le Couvent").
On pourrait encore parler de cette glace sans tain derrière laquelle une inspectrice de police en quête d'amour se livre, chaque vendredi, à une première sélection en vue d'une singulière et drolatique "Procédure". Et aussi de cet homme tourmenté par "Une joie" inexplicable ou d'une écharpe verte volée par inadvertance et dispensatrice d'un bien-être inédit." (23 avril 2003, à propos de Variations de la pesanteur. L'Escampette.)
Voix d'auteurs : revue numérique de l'ALACA
A l’ombre de la Cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême, Catherine Ternaux goûte le silence et la compagnie de l’imposante bibliothèque qui occupe les murs de son bureau d’écriture, tous ces auteurs qui accompagnent ses rêveries et son travail. Et c’est d’une voix calme, mais franche, qu’elle nous confie comment son chemin de lectrice s’est bâti : lire l'entretien réalisé par Romuald Giulivo en novembre 2019.